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Les capitaux cherchent un cap : les taux d’intérêt baissent, la périphérie se redresse, le crédit privé augmente

» Les taux d’intérêt à court terme dans la zone euro ont diminué de moitié en un an, tandis que la courbe des taux d’intérêt en Allemagne s’est accentuée en raison de la hausse des taux d’intérêt à long terme

» Des pays du sud de l’Europe, comme l’Italie et la Grèce, ont surpris positivement par une forte diminution de leur dette et une amélioration de leurs cotes de crédit

» Le crédit privé continue de croître en tant que canal de financement alternatif, mais l’augmentation des entrées de capitaux pèse sur les rendements et accentue la vulnérabilité face au stress du marché

Les taux d’intérêt à court terme ont diminué de moitié dans la zone euro au cours de l’année écoulée

Au deuxième trimestre 2024, les taux d’intérêt à court terme (Euribor 1 mois) se situaient encore à près de 4 %. Au deuxième trimestre 2025, ils sont tombés sous la barre des 2 %. Les taux d’intérêt à court terme suivent généralement le taux directeur de la BCE, qui avait été fortement réduit au cours des trimestres précédents. Il y a un an, l’accent était encore mis sur la lutte contre l’inflation. La combinaison d’une inflation en net recul (avec des prévisions favorables pour les trimestres à venir) et d’une croissance économique modérée a incité la BCE à inverser sa politique. Le taux directeur a été ramené à un niveau neutre. Pour l’instant, cela semble aussi mettre un terme aux baisses des taux d’intérêt.

L’Euribor 1 mois a diminué de moitié en tout juste un an après le pic de 2023

La hausse des taux d’intérêt sur les échéances plus longues ne s’est pas poursuivie au deuxième trimestre

En Allemagne, les taux d’intérêt à court terme et à long terme ont baissé. Toutefois, si nous combinons le premier et le deuxième trimestre, nous constatons toujours une hausse des taux d’intérêt à partir d’une échéance de six ans. La courbe des taux d’intérêt s’est nettement accentuée cette année, ce qui signifie que l’écart positif entre les taux obligataires à court et à long terme s’est creusé.

Évolution des taux d’intérêt en 2025 par pays et par échéance (en points de base) : courbe globalement plus accentuée (en particulier en Allemagne)

La périphérie faible n’existe plus

Il y a dix à quinze ans, les pays périphériques (Grèce, Italie, Portugal et Espagne) étaient encore au cœur de la tempête. Cependant, ces dernières années, nous avons assisté à une nette reprise des économies du sud de l’Europe, avec des améliorations en termes de discipline budgétaire, croissance économique et stabilité politique. Aujourd’hui, ces pays sont parmi les meilleurs élèves de la classe si l’on considère les déficits budgétaires prévus pour 2025.

L’Italie, par exemple, a connu une trajectoire solide sur le plan des finances publiques. En effet, son taux d’endettement est passé de 154 % en 2020 à 135 % en 2025. Lors de la nomination de la Première ministre Giorgia Meloni, son gouvernement d’extrême droit a d’abord suscité une vive méfiance. Toutefois, après plus de deux ans de stabilité politique et de réformes économiques, nous constatons des effets positifs évidents sur les marchés financiers. Nulle part ailleurs, les spreads (le différentiel de taux d’intérêt avec l’Allemagne) n’ont autant baissé au cours des derniers trimestres qu’en Italie, ce qui est particulièrement notable pour un pays fortement endetté. Les agences de notation reconnaissent aussi les progrès de l’Italie, ce qui se traduit par un relèvement des notes de crédit et/ou des perspectives favorables.

La trajectoire de la Grèce est encore plus impressionnante. Depuis la restructuration de la dette en 2012, le pays a fait un retour remarquable. Toutefois, la reprise la plus importante n’a eu lieu que récemment. Contrairement à ce que l’on pouvait attendre, la dette publique grecque est restée très élevée même après sa restructuration, oscillant autour de 180 % du PIB. En 2020, cette dette a même dépassé le seuil de 200 % du fait de la pandémie de Covid-19. Mais les Grecs n’ont pas baissé les bras. Lorsque le tourisme a repris, la Grèce a su en profiter pleinement. La réduction la plus impressionnante de la dette a eu lieu en 2022, lorsque la croissance nominale était d’environ 15 % (croissance réelle de 5,9 %, inflation de 9,3 %), alors que le déficit budgétaire avait déjà été ramené à moins de 3 %. Cette tendance s’est poursuivie pour aboutir à un taux d’endettement inférieur à 150 % en 2025. Un redressement formidable qui a également été reconnu par les agences de notation : toutes les grandes agences ont à nouveau attribué à la Grèce une note de qualité d’investissement (Investment grade). Tous les pays de la zone euro ont donc retrouvé la qualité d’investissement.

Pour compléter la liste des pays du sud de l’Europe, nous devons souligner que la Grèce et l’Italie ne sont pas les seuls pays à avoir enregistré d’excellentes performances. L’Espagne et le Portugal ont également réalisé des progrès significatifs. Dans le cas du Portugal, cela s’est aussi traduit par une meilleure note de crédit en 2025. Dans la zone euro, il n’y a actuellement plus que quatre pays qui affichent encore un taux d’endettement supérieur à 100 % : la Grèce, l’Italie, la France et la Belgique. La trajectoire au cours des prochaines années s’annonce faible uniquement pour ces deux derniers pays. À cet égard, il existe des similitudes évidentes avec les États-Unis, mais malheureusement, en tant que Belges, nous n’avons pas de quoi être fiers.

Le monde se détourne du dollar américain

Au deuxième trimestre, la baisse du dollar américain s’est poursuivie par rapport à un vaste panier de devises. Cette évolution s’inscrit dans une tendance plus large des pays et des banques centrales du monde entier à réduire progressivement leur dépendance vis-à-vis du dollar. D’une part, on assiste à une diversification stratégique des réserves monétaires, les devises alternatives telles que l’euro et l’or gagnant en importance. D’autre part, des facteurs géopolitiques, tels que les tensions entre les États-Unis et d’autres grandes puissances, jouent un rôle dans la recherche d’une plus grande autonomie monétaire. Bien que le dollar américain soit toujours dominant dans le commerce international et en tant que devise de réserve, la transition vers un univers monétaire multipolaire s’est lentement amorcée.

Les marchés émergents enregistrent de bons résultats dans les devises locales

En 2025, les obligations des marchés émergents enregistrent de solides performances, malgré un environnement monétaire mitigé. Les obligations du Brésil, du Mexique et de l’Uruguay se sont distinguées, avec des rendements de plus de 5 %. En revanche, les devises ayant une parité (souple) par rapport au dollar américain ont généralement affiché des performances faibles.

Aperçu des rendements des obligations des marchés émergents

Dans l’ensemble, la recherche de rendements réels en devises locales est restée un moteur essentiel pour l’afflux de capitaux dans les obligations des marchés émergents. Ainsi, les taux d’intérêt réels au Mexique sont supérieurs à 5 % et, au Brésil, ils sont même supérieurs à 7 %. Des chiffres impressionnants si on les compare, par exemple, aux rendements réels des obligations allemandes qui fluctuent autour de 1 %.

Le crédit privé continue de gagner en popularité, mais les risques augmentent

Peu de segments du financement de la dette ont connu une croissance aussi forte ces dernières années que le crédit privé. Cette tendance se poursuit également en 2025. Mais qu’entend-on exactement par crédit privé ? Il s’agit de prêts accordés directement aux entreprises (et, dans certains cas, aux particuliers) par des institutions non bancaires. Contrairement aux obligations cotées, ces prêts ne sont pas négociés sur les marchés publics. Le financement est souvent flexible et sur mesure : les conditions sont négociées bilatéralement et adaptées aux besoins spécifiques de l’emprunteur. Le crédit privé se concentre souvent – même si ce n’est pas une obligation – sur le segment le plus risqué du marché.

Ces dernières années, l’environnement de taux d’intérêt bas, combiné à la réticence croissante des banques (en partie due au durcissement des réglementations), a grandement favorisé l’essor des crédits privés. Cela semble attrayant : tout le monde joue à la banque. Sans l’intervention d’une institution financière traditionnelle, les investisseurs et les emprunteurs seraient en mesure de négocier de meilleures conditions.

De plus, le crédit privé est souvent loué pour son rôle de diversification au sein d’un portefeuille. Il convient toutefois de noter que la faible corrélation avec les marchés boursiers est due, en partie, au fait que les prêts sous-jacents ne sont pas cotés en bourse, de sorte que les fluctuations intermédiaires de la valeur ne sont pas visibles.

Renversement de situation en vue ?

Bien que la croissance se poursuive pour le moment, la situation devient progressivement moins favorable. La demande d’investissement dans ce segment a récemment augmenté beaucoup plus que l’offre, ce qui a conduit à une abondance de capitaux à la recherche d’opportunités. Résultat : les taux d’intérêt supplémentaires (spreads) ont considérablement diminué, ce qui a rendu le profil rendement-risque moins attrayant. Tant que le rendement supplémentaire des intérêts reste suffisamment élevé, il existe des arguments valables en faveur d’une position dans le crédit privé. Mais dès le moment où le rendement cesse de compenser le risque de manière adéquate, la question est de savoir pourquoi on continuerait à rechercher ce segment.

En tout état de cause, les principales préoccupations demeurent la liquidité limitée, le manque de transparence, les risques potentiels de concentration et l’absence d’une évaluation objective. Ces facteurs peuvent être à l’origine de surprises désagréables en cas de choc du marché.

Potentiel à long terme

Toutefois, les prêts directs, c’est-à-dire l’octroi de prêts directement aux entreprises sans passer par des banques, continuent d’offrir un potentiel. Des innovations telles que la blockchain et l’apprentissage automatique pourraient jouer à terme un rôle important dans l’amélioration de la transparence, de la gestion des risques et de l’efficacité sur ce marché. Mais il serait remarquable que tout cela puisse se réaliser sans que le crédit privé ne passe d’abord par une phase de correction ou une crise. Les germes de ces moments de stress sont d’ores et déjà visibles.

L’environnement des taux d’intérêt évolue rapidement, avec une baisse des taux d’intérêt à court terme, des courbes plus accentuées et des performances étonnamment fortes dans les pays du sud de l’Europe. Dans le même temps, les capitaux se tournent vers des options alternatives telles que le crédit privé, bien que les risques dans ce segment augmentent sensiblement. Cependant, il reste de nombreuses opportunités pour les investisseurs obligataires qui sont flexibles et sélectifs dans ce paysage financier en mutation. Il est également important de ne pas perdre de vue les marchés émergents.

Maxim Gilis

Maxim Gilis

Maxim Gilis obtained a Master in Applied Economics at the University of Antwerp in 2015. His master thesis examined the diversification of stocks in emerging markets. Next he obtained an additional Master of Finance at the Antwerp Management School, where he researched sustainable responsible investing for a European asset management company. He joined Econopolis in the summer of 2016.

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