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L’Europe passe à la vitesse supérieure pour conserver son rôle de chef de file dans le domaine du climat

Ces derniers mois, les nouvelles initiatives climatiques se sont multipliées. Grâce à la loi américaine sur la réduction de l’inflation, il est tout d’un coup beaucoup plus intéressant pour les entreprises d’entreprendre de nouveaux projets climatiques aux États-Unis. Pour éviter que l’Europe ne perde son leadership en matière de climat, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a proposé en février une législation pour une « industrie à zéro émission nette ». Cette nouvelle législation climatique favorisera non seulement des investissements supplémentaires dans le domaine du climat, mais elle devrait également permettre à l’Europe de devenir plus autosuffisante. Actuellement, la Chine détient un quasi-monopole sur de nombreuses matières premières qui sont cruciales pour la transition énergétique et cela comporte des risques géopolitiques. Si l’Europe veut atteindre ses ambitieux objectifs climatiques, il est absolument indispensable qu'elle travaille à la création d’une économie circulaire axée sur le recyclage.

La loi américaine sur la réduction de l’inflation a changé la donne

La loi américaine sur la réduction de l'inflation (IRA), une initiative du président Joe Biden pour rendre l’économie américaine plus verte, a supposé un changement de la donne. D’ici à 2030, les États-Unis vont injecter 369 milliards de dollars dans des subventions destinées à soutenir les solutions climatiques. Grâce au plan climatique américain annoncé l’été dernier, il est tout d’un coup devenu beaucoup plus intéressant pour les entreprises aux États-Unis de développer leurs investissements dans des solutions respectueuses du climat.

Ainsi, le fabricant suédois de batteries Northvolt a ouvertement remis en cause son intention de construire sa nouvelle usine en Allemagne, la compagnie portugaise de services publics EDP a annoncé des investissements supplémentaires aux États-Unis (énergie solaire et éolienne) et l'entreprise américaine NextEra cherche à renforcer ses effectifs pour faire face à la forte croissance de l'énergie renouvelable.

Ce qui change la donne, ce n'est pas tant l’ampleur du plan américain, mais plutôt la simplicité et la clarté associées à cette législation américaine (IRA). Alors qu’en Europe, dans le passé, on a essentiellement eu recours aux subventions exclusivement accordées sur la base d’une procédure de sélection stricte, aux États-Unis, on a opté pour des crédits d’impôts fédéraux à la production et à l’investissement. Par exemple, grâce à l’IRA, chaque consommateur américain peut bénéficier aujourd’hui d’une subvention allant jusqu’à 7 500 $ à l’achat d’une voiture électrique fabriquée aux États-Unis. Une autre différence essentielle réside dans le fait que la législation IRA américaine est agnostique sur le plan technologique. Tandis qu’en Europe, toute est strictement réglementé, les Américains confient au marché libre la tâche de déterminer la technologie dominante dans des domaines d’innovation tels que le captage-stockage des émissions (CSC) et l’hydrogène vert.

 

Nouvelles initiatives européennes

La Commission européenne a parfaitement compris que le leadership de l’Europe est menacé et que la loi IRA américaine aura des conséquences directes sur la politique énergétique européenne. Ces derniers mois, sous la direction d’Ursula von der Leyen, elle s’est efforcée de mettre sur pied toute une série de nouvelles initiatives en matière de climat.

L’année 2023 sera donc la quatrième année consécutive au cours de laquelle l’Europe annoncera de nouveaux plans climatiques :

  • 2020 : Pacte vert pour l’Europe
  • 2021 : Fit For 55 (Ajustement à l’objectif 55)
  • 2022 : REPowerEU
  • 2023 : Net Zero Industry Act (législation pour une industrie à zéro émission nette) (et législation sur les matières premières critiques)

Tout cela souligne une fois de plus l’importance croissante de la transition énergétique. Heureusement, outre les défis, cette situation offre également de nombreuses opportunités (d’investissement).

 

Net Zero Industry Act

En réponse à la législation IRA américaine, la Commission européenne a rapidement proposé une solution européenne : la législation pour une industrie à zéro émission nette. Cette législation sera examinée dans les mois à venir au sein du Parlement européen. Avec cette réglementation sur l’industrie à zéro émission nette, l’Europe vise à empêcher que des entreprises européennes transfèrent leurs investissements liés au climat vers les États-Unis. Cela contribuera encore à l’accélération de la transition énergétique de l'Europe. L’Europe doit aussi devenir plus autosuffisante en ce qui concerne les matières premières critiques et le savoir-faire local qui sont absolument indispensables pour assurer la transition climatique.

D’une manière générale, la législation sur l’industrie à zéro émission nette repose sur trois piliers :

  1. un traitement plus rapide des licences requises pour les énergies renouvelables ;
  2. une forte orientation « Made in Europe » (législation sur les matières premières critiques) ;
  3. des investissements supplémentaires à concurrence de 375 milliards d’euros (subventions, crédits d’impôts et investissements directs).

Selon une étude de Goldman Sachs, l’initiative européenne nécessiterait jusqu’à 4 000 milliards d’euros de capitaux d’ici à 2032. La majeure partie de ces fonds devrait être destinée aux énergies renouvelables (29 %), à l'efficacité énergétique (17 %) et aux voitures électriques (17 %). La nouvelle initiative devrait permettre d’installer une capacité supplémentaire en énergies renouvelables de 900 gigawatts (GW) d’ici à 2030, ce qui représente trois fois plus que la capacité actuelle.

 

Octroi des licences plus rapide

La lenteur qui caractérise actuellement l’approbation des nouveaux projets d’énergie solaire et éolienne est le talon d’Achille de la transition énergétique en Europe. Si le traitement des demandes de licence n'est pas accéléré, il sera (pratiquement) impossible d’atteindre l’objectif d’expansion de 900 GW d’énergie solaire et éolienne d’ici 2030.

Aujourd’hui, il faut en moyenne entre 4 et 9 ans pour que les projets d’énergie renouvelable soient approuvés en Europe. Grâce à une simplification des procédures d'approbation et à une plus grande numérisation, la législation sur l’industrie à zéro émission nette permettra de réduire ce délai à un an. Des milliers d'avocats vont vraisemblablement être engagés pour atteindre cet objectif.

 

Dépendance vis-à-vis de la Chine

La législation pour une industrie à zéro émission nette contient également de nombreuses mesures protectionnistes. En effet, l’Europe est aujourd’hui encore trop dépendante des produits et des matières premières en provenance de la Chine.

La Chine détient un quasi-monopole sur de nombreuses matières premières essentielles à la transition énergétique. Actuellement, 98 % des terres rares et 93 % du magnésium utilisés en Europe proviennent de Chine. En outre, environ deux tiers de toutes les batteries utilisées dans les voitures électriques, 75 % de tous les panneaux solaires et la moitié des turbines éoliennes sont fabriqués dans la République populaire de Xi Jinping

Cette forte dépendance présente un risque, étant donné que la Chine pourrait utiliser ces matières premières comme une arme géopolitique. En vertu de la législation pour une industrie à zéro émission nette, d’ici 2030, l’Europe devrait être à même de produire 40 % de ses panneaux solaires, au moins 85 % de ses turbines éoliennes, 60 % de ses pompes à chaleur, 85 % de ses batteries électriques et au moins 50 % de l’hydrogène non fossile (hydrogène vert et bleu).

Cette réglementation va de pair avec la législation sur les matières premières critiques qui stipule que, d’ici 2030, 10 % des matériaux nécessaires à la transition énergétique devront être extraits dans l’Union européenne. Actuellement, l’Europe extrait seulement 3 % de toutes les matières premières nécessaires (principalement en Finlande, en Suède et en Espagne). De plus, l’Europe souhaite que 15 % au moins de tous les matériaux utilisés proviennent du recyclage. Ces objectifs sont pour le moins ambitieux, sachant que l’Europe n’est pas un continent particulièrement riche en ressources. À cet égard, l’économie circulaire va gagner en importance. 

 

Qui sont les bénéficiaires de la législation pour une industrie á zéro émission nette ?

Le climat est devenu un domaine d’affaires substantiel. Les gouvernements injectent des milliards de dollars ou d’euros dans les entreprises qui proposent des solutions climatiques ingénieuses, sous forme d’allègements fiscaux, de crédits ou de subventions. Cette « course au climat » entre l’Europe et les États-Unis crée des opportunités gigantesques pour les entreprises et donc aussi pour vous, en tant qu’investisseur. Près de chez nous, nous pensons, par exemple, à Umicore, un précurseur européen dans le domaine du recyclage des batteries pour les voitures électriques. Ou à la société Campine, basée dans la région de la Campine, qui traite chaque année 90 000 tonnes de batteries plomb-acide mises au rebut pour obtenir de nouvelles matières premières pour les batteries, ce qui en fait le premier acteur européen dans ce domaine.

De très nombreuses entreprises pourront tirer parti aussi bien de la législation européenne pour une industrie à zéro émission nette que de la loi américaine sur la réduction de l’inflation. Des compagnies de services d’utilité publique comme Ørsted, EDP et Iberdrola misent résolument sur l’énergie solaire et éolienne à la fois aux États-Unis et en Europe. Grâce aux crédits d’impôt pour leurs projets écologiques, ces entreprises réduisent considérablement leurs besoins en capitaux, ce qui stimule leur rentabilité. Ces perspectives prometteuses de bénéfices devraient également se refléter progressivement dans l'évaluation des entreprises de ce type, ce qui vous permettra, en tant qu'investisseur, de bénéficier de toutes ces initiatives vertes à moyen terme. Et si vous êtes plutôt d’humeur cynique, vous pouvez considérer qu’il s'agit là d’une compensation bien méritée pour l'argent des contribuables destiné au financement de ces projets...